Lecture du 6 mai

Improvisation nocturne

Ce soir, c’est décidé. Enfin, la Lune est déterminée : elle va produire un arc-en-ciel. Elle ne va tout de même pas tous les laisser au Soleil.

Alors, elle a passé un marché avec quelques nuages. Ils vont lâcher un peu de leur précieuse pluie, et en échange, la Lune acceptera de les laisser l’envelopper et de les illuminer pendant deux semaines. Les nuages sont un peu idiots, ils n’ont pas compris qu’après leur performance de ce soir, la Lune allait décliner jusqu’à disparaître.

La Lune a choisi un lieu propice, un désert de glace où sa lumière pourra se refléter et s’amplifier. Mais c’est un premier essai, alors au moins si elle échoue, personne n’est là pour se moquer d’elle.
Hélas, c’est bel et bien un échec : les nuages tentent de lâcher leurs premières gouttes, mais ils ne parviennent à produire que de la neige. Il fait bien trop froid…

Alors, changement de plan : minuit vient de passer, la Lune prépare un nouvel essai sous une cascade tropicale. Cette fois, c’est un succès ! Il est minuscule, mais c’est bien un arc-en-ciel qui se déploie au pied de la chute d’eau. Quelques poissons insomniaques applaudissent de toutes leurs nageoires. Heureusement à cette heure, aucun prédateur n’est à l’affut, et ils ne sont pas dévorés pour leur bruyante ovation.

Émue par cette réussite et par la réaction de son public imprévu, la Lune veut s’améliorer, amplifier sa performance. Mais les nuages l’ont retrouvée : ils ont crus qu’elle avait fuit pour ne pas s’acquitter du marché. D’ailleurs, comme sa tentative avec eux a échouée, la Lune espérait bien s’en tirer à bon compte. Mais ils se jettent sur elle, et ne la quittent plus jusqu’au matin. Elle tente bien de s’en dépêtrer, mais ils sont tout cotonneux, gluants et collant.

Finalement, le Soleil se lève, et avant de quitter la scène, la Lune parvient à capter suffisamment de chaleur pour faire fondre les nuages. Et le Soleil en profite, le rustre, pour produire un titanesque arc-en-ciel qui fait définitivement renoncer la Lune.

Lecture du 28 novembre

Rencontre sur une plage de sable fin d’une pendule et d’une souris.

La pendule est sur le point de s’arrêter, elle demande à la souris de la remonter.
La souris sort d’une difficile rupture amoureuse, elle rétorque qu’elle aurait bien besoin, elle, qu’on la remonte un peu, mais qu’elle ne se sent pas capable de remonter quoi que ce soit pour le moment.
La pendule tic-taque frénétiquement : elle sent bien qu’elle n’en a plus pour longtemps, que c’est une question de minutes.
La souris s’en moque : elle est venue regarder le soleil se jeter à la mer et se demande si elle doit suivre son exemple.
Ça y est, la pendule s’arrête. Elle s’effondre face contre plage. Elle a rendu son dernier tic, et le sable s’engouffre dans ses mécanismes.
A la lueur de la lune émergente, la souris s’émeut de cette silhouette écroulée. Elle y fait son nid.
Le sable la gratte.

Les livres c’est le MAL !

Ce texte est dédié à monsieur Eric Raoult, qui nous rappelle qu’après la mort de Claude Levi Strauss, la France est un peu plus conne.

Marie était une jeune fille normale. Elle aimait sortir, danser, faire la fête et aller au cinéma.

Et justement, ce soir tragique, Marie se rend au cinéma et assiste à la projection du funeste film qui devait changer sa vie. Elle retourne le voir plusieurs fois, ce qui n’a rien d’inhabituel, mais elle fait une chose qu’elle n’a encore jamais fait : elle se procure le roman dont est inspiré l’histoire du film.

Marie le lit, de la première à la dernière page, plusieurs fois. Puis elle achète d’autres livres du même auteur. Certains ne sont plus édités, et un infâme libraire anarchiste lui apprend l’existence de ces lieux de débauche que sont les bibliothèques. Elle s’y procure d’autres livres et continue à lire, de plus en plus de livres. L’auteur impie qu’elle avait découvert a écrit avec d’autres écrivains athées immoraux, et elle lit aussi leurs œuvres ; puis elle commence à lire d’autres livres au hasard… Sans même les payer, grâce à sa nouvelle bibliothèque.

A présent, Marie ne sort plus beaucoup. Elle ne danse plus. Elle reste des heures durant assise seule dans sa chambre, sans bouger, sans parler, face à un livre. Elle ne regarde même plus la télévision. Elle commence à réfléchir sur n’importe quel sujet, au monde dans lequel elle vie, et même à la politique de son gouvernement. Elle devient très malheureuse, elle déprime,  elle ne prend plus le temps de se coiffer ni de se maquiller. Elle se met même à écrire des poèmes…

Alors, prenez garde ! Les livres rendent malheureux, ringards et moche ! Les livres mènent au COMMUNISME ! Les livres sont l’œuvre de SATAN ! Les livres, c’est le MAL !

Pandémie officielle

Voila. C’était inévitable, j’imagine : ce matin, j’ai découvert une large croix blanche peinte sur la porte de notre école. Nous l’avons ouverte il y a un mois, contre l’avis du duc selon qui un trop plein de connaissance ne peut que nuire à ces enfants de paysans. Le duc, si peu soucieux d’habitude de la santé de ces enfants au corps déformés par les travaux des champs et aux poumons encrassé au fond de la mine a sans doute trouvé dans leur toux l’indice évident de l’émergence prochaine de la peste au sein de l’école, même si aucun cas ne s’est encore déclaré parmi mes élèves.

La semaine dernière, il avait fermé le tribunal. Notre bon roi a enfin réussi à convaincre ses vassaux les plus réticents à mettre en place ses « débats contradictoires»  en lieu et place du jugement de Dieu pour déterminer la culpabilité des accusés. Mais désormais, c’est le jugement du duc qui prévaut. J’ignore si la peste à réellement fait des victimes, mais depuis une semaine, huit personnes ont été pendues, et une quinzaine d’autres ont disparu, emportées par les soldats du duc. Il nous a dit que ces criminels avaient attrapé la peste à cause de leur péchés, et qu’il devait les punir promptement pour éviter que leurs fautes ne retombent sur nous.

Bizarrement, le marché est resté ouvert. On aurait pu croire que ce lieu de regroupement serait un terrain propice à la diffusion de la peste, mais d’après les experts du duc, l’odeur… et bien, pestilentielle, qui y règne déjà protège les marchands et acheteurs. Si j’ai bien compris leur explication, la maladie renifle l’odeur et crois être déjà présente en ces lieux. Pourtant, la foule y est de moins en moins nombreuse. J’ignore si c’est par peur de la maladie ou à cause des taxes exceptionnelles levées par le duc pour lutter conte elle.

Même si les médecins du duc sont particulièrement alarmistes, je ne connais personne qui ait été atteint de façon claire par la peste, et les villageois les plus convaincus ne parlent jamais que de « l’ami d’une connaissance de leur belle-sœur» … Bien sûr, il y a les villageois que le duc emmènent ou exécute, mais avant qu’ils ne soient déclarés malades, chacun d’entre eux semblait aller bien.

Ce soir, je tenterais de gagner la province voisine avec quelques enfants qui veulent me suivre, et que leurs parents veulent voir échapper à l’épidémie. J’espère que la peste ne s’étend pas jusque là-bas. Le relais de poste fut l’un des premiers bâtiments frappé de la funeste croix blanche, le duc souhaitant apparemment éviter d’accueillir des messagers porteurs de peste. Mais s’il faut l’en croire, si nous avons bien été coupés du monde extérieur, cela n’a pas arrêté la maladie.

Si nous avons de la chance, nous reviendrons bientôt chez nous. Mais je crains que cette peste n’emporte tout sur son passage, à commencer par l’esprit des Hommes…

L’épidémie s’étend aussi sur internet, entre autres :
Chez Bambiii, chez Joranne, chez les patates, et chez les pingouins. Deux fois.

Fables et affabulations

C’est l’histoire d’un berger, Gygès, qui trouve un anneau magique au doigt d’un squelette de géant dans le ventre d’un cheval d’airain. Il n’a apparemment pas de tabou sur le pillage de cadavre, alors il passe l’anneau à son doigt ; nous devons croire que ses doigts sont aussi larges que ceux du géant. Plus tard, il se rend compte que lorsqu’il tourne l’anneau vers l’intérieur de sa main, il devient invisible. Alors, il se demande quoi faire de ce super-pouvoir, et il se dit « tient, si j’allais emballer la femme du roi ?»  ; on ne sait pas très bien comment un pauvre berger puant, même invisible, peut séduire la reine, mais en tout cas, il y arrive. Ensuite, nos deux tourtereaux complotent à assassiner le mari gênant, ça coule de source. Et comme en ce temps là le régicide conduit au trône plutôt qu’en prison, le berger devient roi, mais l’histoire ne dit pas combien ils ont eu d’enfants.

C’est cette fable de Platon qu’à invoqué le nouveau ministre de la culture et de la censure de l’Internet pour défendre HADOPI 2. Vraisemblablement, il ne connait pas mieux l’informatique et Internet que son prédécésseur, mais ses envolées sont plus lyriques et accentuent encore l’absurdité de l’histoire, on ne peut que s’en réjouir. Et donc, selon lui, Platon, Beaumarchais et Maupassant soutiennent la riposte graduée, contre ces insignifiances que peuvent être le droit européen, la constitution française, les droits de l’Homme ou la réalité, tellement surfaite en milieu politique.

Quel est le rapport entre l’anneau de Gygès et la riposte graduée ? C’est assez flou, mais peu importe : l’intérêt et la force d’un argument d’autorité n’est pas d’être cohérent, mais de citer un nom prestigieux. D’après le ministre : « La moralité de cette fable de Platon, c’est que la plupart des hommes ne sont justes que parce qu’ils sont visibles.» Je suppose qu’il faut donc croire que les internautes sont invisibles et donc injustes ? Enfin, Platon, c’est vieux : s’il vivait aujourd’hui, il verrait bien que les hommes les plus injustes sont aussi souvent les plus visibles. D’ailleurs, le ministre sait sans doute parfaitement que les lois ne s’appliquent que rarement à ceux qui les font.

Personnellement, ma connaissance de l’œuvre de Platon commence et s’arrète au mythe de l’Atlantide. Néanmoins, je connais d’autres histoires au sujet d’un anneau d’invisibilité où les héros restent aussi honnêtes et droits que possible malgré les tentations de l’objet maléfique. Je suppose que cela veut dire que Tolkien est contre la riposte graduée.

Pour conclure cet article sans queue ni tête, je vais m’essayer à la fable, moi aussi.

C’est l’histoire d’un jeune dresseur d’oiseaux nommé Avès. Il apprend à quelques oiseaux exotiques à siffler de jolis airs pour le roi, son patron. A l’occasion, il flirte un peu avec la princesse. Mais il ne se fait pas d’illusions : dès que le roi lui aura trouvé un bon parti, il ne la reverra plus.

Un jour, dans un œuf fraichement éclo, il trouve une plume d’or. Elle est si belle, si brillante, qu’il décide de l’offrir à la princesse pour lui témoigner son affection. Et de ce jour, la princesse tombe éperduement amoureuse de lui. A vrai dire, elle n’est amoureuse que lorsqu’elle porte la plume dans ses cheveux, mais la plume est si belle qu’elle ne peut s’empêcher de la porter chaque jour, et jamais elle ne se rend compte de son pouvoir magique obsédant.

La semaine suivante, le roi lui présente un prétendant. Il est très riche, et le royaume aurait bien besoin de son aide financière, ruiné qu’il se trouve par les obsession royales ridicules comme cette voilière exotique. Mais la princesse ne veut rien entendre, et elle s’enfuis avec son oiselier. Avès est pour le moins dépassé : il n’avait jamais prévu d’aller contre la volonté de son roi et même s’il s’entend plutôt bien avec les gardes, il a peur de leurs flèches et de leurs lances pointues. Il essaie de raisonner la princesse et se demande ce qu’ils vont devenir.

Leur escapade ne dure pas longtemps. Le roi a bel et bien envoyé ses gardes à leur poursuite. Ils tuent Avès. De chagrin, la princesse se tue à son tour en se plantant la plume magique dans la gorge. Le roi en est effondré : s’il ne peut plus vendre sa fille, comment sauver le royaume ? Et, de fait, le royaume s’effondre. Le prétendant revient avec une armée pour le conquérir avec le soutient de la population affamée, à qui il offre les oiseaux de la volière royal à manger, puis il épouse une jeune servante de la princesse à qui il avait déjà commencé à faire du gringue lors de sa précédente visite. Son règne fut long et fastueux, comme le célèbrent les livres d’histoire qu’il fit imprimer.

Moralité  : si la musique ne te nourris pas, mange le musicien.

Lune d’émeraude

Il y a quarante ans, deux hommes, Neil Armstrong et Buzz Aldrin marchaient sur la Lune, pour la première fois. Le troisième, Michael Collins, avait préféré rester dans le module pour jouer à une pré-version de Pong sur l’ordinateur de bord. Votre téléphone portable est plus puissant que l’ordinateur en question.

Il faut bien avouer que cet exploit semble au moins autant tenir de la succession de coups de chances insensés que des compétences humaines et techniques de l’époque. Sans la pression de la guerre froide, personne n’aurait accepté de prendre ou de faire prendre autant de risques à ces trois astronautes et à leurs successeurs. En tout, douze hommes ont marché sur le sol lunaire, le dernier en 1972. Depuis, rien.

Quelques étapes de la conquéte spatiale, concernant notamment les êtres vivants que nous avont expédiés dans l’espace :

  • Le quatre octobre 1957, Spoutnik 1 est devenu notre premier satellite artificiel.
  • Un mois plus tard, le trois novembre, la chienne Laïka fut la première créature vivante expédiée dans l’espace, pendant environs sept heures, avant de mourrir de chaud.
  • Il faut attendre le 31 janvier 1961 pour voir un être vivant en revenir, en l’occurence un chimpanzé nommé Ham.
  • Du chimpanzé à l’homme, il n’y a que deux mois et des poussières : le 12 avril 1961, c’est Youri Gagarine qui passe près de deux heures dans l’espace. Ce fut une telle réussite qu’il n’y retourna jamais, de peur que sa mort n’y brise le symbole.
  • Le 18 mars 1965, Alekseï Leonov est le premier à sortir de son véhicule pour faire un tour dans l’espace.
  • Le 20 juillet 1969, Apollo 11 passait à la télé.
  • Le 14 décembre 1972, Gene Cernan devient (jusqu’à maintenant) le dernier homme à avoir marché sur la Lune.
  • Le 28 avril 2001, Dennis Tito devient le premier « touriste de l’espace» , pour 20 millions de dollars.
  • L’étape suivante sera certainement de marcher sur Mars.

Et pour conclure, un petit poème lunaire :

Le gardien de phare et les nuits de pleine lune.

Le gardien de phare s’est épris de la Lune.
Quand il la voit pleine, il chante sa flamme
Renouvelant ses vers en vantant ses charmes
Mais jusqu’à cette nuit de réponse : aucune.

Enfin ce soir Lune, claire, apparaît à lui.
Le voilà bouche bée devant sa tendre mie
Oyant son message les yeux exorbités
Lune lui déclare : « Arrête de me faire chier !» 

Moralité : Ce n’est pas la lune qui est poétique, c’est la poésie qui est lunatique.

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Liens :

Principe de non-existence

En ce moment, je manque singulièrement d’inspiration. C’est la chaleur, dirons-nous. Mais j’ai ici un texte manuscrit à taper qui traîne depuis je ne sais quand, donc, voila :

Principe de non-existence :

« Nul n’existe, sauf preuve du contraire »

Ce principe fut adopté à la fin du XXIème siècle par des politiciens visionnaires pour faire face aux problèmes de surpopulation menaçant la planète. En effet, le nombre de personnes pouvant prouver leur existence était bien inférieur au nombre de personnes physique. Ainsi, officiellement, le problème de surpopulation disparu.

Par la suite, le principe s’étendit. Si une personne existe légalement, alors elle ne saurait sortir du cadre de la loi. Ainsi, le moindre crime ou délit reléguait son auteur à un statut de non-existence, dont il ne pouvait ressortir qu’en démontrant formellement, d’une part, qu’il existait bel et bien, et d’autre part, qu’il n’avait rien à voir avec un précédent individu existant sorti de la loi et donc de l’existence ; ce qui décuplait la difficulté de la démonstration.

Mais quelques polylogiciens surent s’adapter à ce nouvel environnement absurde. Certains voulurent rester les seuls à bénéficier de ce luxe qu’était devenu l’existence ; d’autres prospérèrent en tenant commerce d’argumentaires clé en main auprès d’inexistants aspirant à l’existence.

Finalement, la masse des inexistants, mécontente du mépris qu’on lui accordait, décida qu’il pouvait être mutuel et que si les existants ne les reconnaissaient pas, il n’avait qu’à les ignorer. Ils établirent également le Principe d’existence :

« Chacun existe, sauf s’il le prouve. »

Et ainsi s’éleva un mur d’absurdité. D’un coté, les Xis se retrouvaient fort peu nombreux pour subvenir à leur besoins, que les Inex ignoraient malgré les protestations d’existence et l’accumulation de réclamations à la parfaite rhétorique. De l’autre, les Inex se démenaient avec les contradictions de leurs positions, alors que les meilleurs polylogiciens étaient restés « de l’autre coté» .

Entre les deux, coincés entre existence et non-existence, les démonstrateurs délictueux qui s’étaient trop acharnés à rejoindre l’existence pour le Principe d’existence, mais avaient fauté aux yeux de la loi existienne se trouvaient doublement inexistants.

Finalement, le synchrogicien Intramuros réalisa la fusion des principes d’existence et de non-existence par la formule refondatrice et réconciliatrice :

« La nécessité des preuves de l’existence ou de la non-existence d’un individu ne sont recevables que si elles proviennent de l’individu en question. Ainsi, existant, non-existant, sub-existant, méta-existant ou autre, c’est à chacun de se déterminer personnellement sur son degré de réalité. Quiconque dénie ce droit sera conséquemment, promptement et unilatéralement ignoré. »

Et tout fut pour le mieux.

Tube divers

Il me revient après la chanson d’hier que nous fêtions la semaine dernière les cinquante ans de la mort de Boris Vian. La concordance des deux sujets m’amène donc naturellement à publier ici la retouche du Déserteur que j’avais réalisé l’année dernière.

Le Démissionnaire

Monsieur le Président
Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps
Je viens de recevoir
Ordre de mon manager
D’heures supplémentaires
Tous les mercredis soir
Monsieur le Président
Je ne veux pas les faire
Je ne suis pas sur terre
Pour travailler tout l’temps
C’est pas pour vous fâcher
Il faut que je vous dise
Ma décision est prise
Je vais démissionner

Depuis que je travaille
J’ai vu souffrir mon père
J’ai vu partir mes frères
J’n'ai plus vu mes enfants
Ma mère a tant bossé
Elle est en pré-retraite
Et succombe sous les traites
Et perd toute sa santé
Quand j’étais travailleur
On m’a volé ma femme
On m’a volé mon âme
Et tout mon cher bonheur
Demain de bon matin
Je fermerai ma porte
Au nez des années mortes
J’irai sur les chemins

Je mendierai ma vie
Sur les routes de France
De Bretagne en Provence
Et je dirai aux gens:
Refusez le turbin
Refusez le labeur
Tout ça compte pour du beurre
Ne vous l’vez plus l’matin
S’il faut donner son temps
Et renoncer à vivre
Je ne peux pas vous suivre
Monsieur le Président
Si vous me condamnez
Pensez donc aux chômeurs
Et à toutes mes heures
Qu’ils peuvent se partager

Tube de l’été

Aujourd’hui, une chanson.

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Tout nu et tout fauché
On est pauvre, on a chaud
Quand revient l’été
Tout nu et tout fauché
Au soleil, dans la rue
Ou sur les pavés
Tout nu et tout fauché
Depuis la mer du Nord
Jusqu’aux Pyrénées
Tout nu et tout fauché
On prend enfin le temps
Le temps de rêver.

Tout nu, tout nu, on ne pense plus
Aux impôts, ni au boulot
Fauché, fauché, décontracté
Un vieux chapeau, dans l’métro
Tout nu, tout nu, comme des Jésus
On fait la manche tout les dimanches
fauché, fauché, pour cotiser
Ma retraite est très abstraite
Il faut qu’on mange, il faut qu’on mange
Moi quand j’y pense ça me démange !

[Refrain]

Tout nu, tout nu, on va craquer
Sisyphe en pédalo
Fauché, fauché, tous les jours sont
Des boulets à pousser
Tout nu, tout nu, on ne pense plus
Qu’au safari RSA
Fauché, fauché on va fouiller
Dans les poubelles, quel boulot !
Il faut qu’on mange, il faut qu’on mange
Moi quand j’y pense ça me dérange !

[Refrain]

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L’original (ou presque – si vous entendez Carlos ici un jour, inquiétez-vous de ma santé) :

Constitution et Internet

I X.

Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne seroit pas nécessaire pour s’assurer de sa personne, doit être sévèrement réprimée par la Loi.

X I.

La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi.

Invoquant les articles 9 et 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le Conseil constitutionnel a censuré hier la loi Création et Internet.

La présomption de culpabilité n’étant pas encore la règle en France, l’automatisation des sanctions jusqu’à ce que l’internaute prouve son innocence est abolie. Il faudra toujours passer par un juge et apporter une preuve de la culpabilité du pirate présumé.

De plus, l’accès à Internet est interprété par les sages comme essentiel à la liberté d’expression contemporaine, et il s’en suit qu’une décision de couper l’accès Internet d’un citoyen ne pourra être prise que si cette connexion sert exclusivement à des fins illégales, à l’exclusion de toute utilisation à des fins d’information ou d’expression ; autant dire qu’elle ne pourra jamais être prononcée.

L’essentiel de la loi ayant ainsi été dépecée, le Conseil constitutionnel donne quelques idées pour recycler la dépouille : l’autorité administrative créée par la loi peut encore distribuer aux sites internet qui la réclame un chatoyant label certifiant la légalité des téléchargement qui y sont disponibles. De plus, si elle ne peut plus sanctionner, elle peut toujours envoyer des avertissements ; sans doute quelque chose du genre « Attention ! Nous savons ce que vous avez fait ! C’est Mal !» , dans le but « de limiter le nombre d’infractions dont l’autorité judiciaire sera saisie»  (sic). Ainsi, l’usine à fabriquer des coupables se transforme en barrage contre l’engorgement des tribunaux.

On aurait pu s’attendre à ce que les défenseurs acharnés de la loi, les Christine Albanel, Frédéric Lefebvre et autres Franck Riester se mettent à fustiger ces infâmes pirates pédophiles de Danton et Robespierre dont il faudrait faire abstraction des textes subversifs d’ultra-gauche, mais c’est un autre mensonge qui a finalement été retenu : selon eux, l’essentiel de la loi a été préservé et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. L’essence de la loi se réduisant donc en l’occurrence à créer une administration dédié à l’envois massif d’e-mails (ou « spam» ) qui coûtera sans doute une fortune aux contribuables pour une efficacité… Hum… Limitée ?