Archives de la catégorie ‘Liberté et Sécurité sont dans un bateau...’

Sanction et internet

Le débat fait rage sur le réseau. Et au détour d’un forum, une question piège : « vous êtes député, vous proposez quoi ?« 

Et au petit matin Dieu ne m’est pas apparu, mais j’ai quand même eu la révélation : rien. Il ne faut rien faire. Du tout. Nous avons là une industrie qui a vécu par le libéralisme et qui meurt par le libéralisme, pourquoi faudrait-il la sauver ? Voici des années qu’elle a déclaré la guerre à ses propres clients en les traitant de voleurs, violeurs, dealers, trafiquants et je ne sais quels autres noms d’oiseau. N’est-il pas parfaitement naturel qu’un tel acteur disparaisse dans les limbes ? Ne devrait-elle pas s’adapter ou mourir en silence ? Manifestement pas pour le législateur, puisque sur mes supports vierges, je paie une taxe pour du silence qui ne vient même pas après du Mozart. (Qui lui est libre de droit.)

Mais prenons donc un exemple concret : moi. Aujourd’hui, j’écoute et je découvre du punk japonais, de la grunge canadienne ou je ne sais quel hard rock indien ; merci à la mondialisation. Mais est-ce que je trouve ce genre de musique en boutique ? Un exemple au nom idéal : la chanson Lost My Music, de Aya Hirano. L’interprète la qualifie de punk, mais elle sonne davantage grunge à mon oreille. En tout cas, c’est du japonais, avec un peu d’anglais fort accentué dans le refrain. Un truc d’otaku cinglé. Vous croyez que je trouverais ça à la FNAC ? Que nenni, réplique fnac.com ; y veut pas du Julien Doré ou du Bénabar à la place ?

Voila : si les distributeurs viennent petit à petit à m’offrir du téléchargement légal (1 € le morceau sur fnac.com), ils sont toujours incapables de développer un catalogue qui m’intéresse. Pourtant, point de problèmes de stockage ici : on ne prend pas de la place à la nouvelle star pour caser un artiste inconnu qui n’intéressera que trois hippys et un irroquois. Pourquoi faudrait-il sauver un commerce anachronique qui cherche à m’imposer Vincent Delerme, la starac ou je ne sais quelle autre merde inepte ? Aujourd’hui on cherche à sanctionner ceux qui cherchent autre chose. Demain l’achat du dernier Carla Bruni sera obligatoire ? Et après demain son écoute ?

Pourtant, il ne fait aucun doute que le commerce de la musique peut évoluer. Les offres de téléchargement légal sont toujours à la masse, mais leur développement à venir est inéluctable. Et même le compact disc peut survivre ; il faut simplement que les éditeurs le traite comme ce qu’il est devenu ; ce qu’ils en ont fait avec des tarifs prohibitifs : un objet de luxe. Avec, donc, packaging à la hauteur ; foin de ces misérables boitiers plastique et livrets anémique. Au diable ces DVD misérable bourrés de pub – quand ce n’est pas cet inepte avertissement « anti-piratage»  qui est la meilleur incitation au téléchargement jamais inventée…

Il est démontré que les « pirates»  sont également les plus gros consommateurs de culture. Le cinéma ne s’est jamais mieux porté en France qu’en 2008 ; quoiqu’en disent les geignements de Luc Besson. Il y a des éditeurs qui l’ont bien compris : ce sont les éditeurs de manga. Ainsi prospèrent les équipes de fans traduisant la bande dessinée japonaise bien avant sa sortie hors de l’archipel. Et ce genre de site est bourré de pub ; exemple sur un site américain : « Mahou Sensei Negima! is licensed in the United States by Del Rey. Please support the publishers that bring our favorite manga titles to the US by purchasing the official Mahou Sensei Negima! manga volumes when they are available in your area.»  / « Mahou Sensei Negima! est licencié aux Etats-Unis par Del Ray. Merci de soutenir l’éditeur de vos mangas préférés en achetant la version officielle quand elle sera disponible.» 

Non seulement ce genre de démarche sert de publicité aux éditeurs, mais elle leur sert d’étude de marché en relevant quels produits ont du succés, le tout gratuitement. Que réclamer de plus ? Peut-on imaginer un jour Deezer difuser mon Aya Hirano, avec un message du type « cet artiste est diffusé en France par tel éditeur, vous pouvez acheter ses morceaux au détail par ici ou son album par là»  ?

P.S. : le titre n’est pas du moi, mais du député UMP Alain Suguenot ; ce qui laisse optimiste sur la conclusion des débats sur ce projet de loi dangereuse et stupide.

La parodie de l’avertissement anti-pirates est tiré du feuilleton anglais The IT Crowd.

Et Negima est édité en France par Pika.