Archives de juillet 2009

Fables et affabulations

C’est l’histoire d’un berger, Gygès, qui trouve un anneau magique au doigt d’un squelette de géant dans le ventre d’un cheval d’airain. Il n’a apparemment pas de tabou sur le pillage de cadavre, alors il passe l’anneau à son doigt ; nous devons croire que ses doigts sont aussi larges que ceux du géant. Plus tard, il se rend compte que lorsqu’il tourne l’anneau vers l’intérieur de sa main, il devient invisible. Alors, il se demande quoi faire de ce super-pouvoir, et il se dit « tient, si j’allais emballer la femme du roi ?»  ; on ne sait pas très bien comment un pauvre berger puant, même invisible, peut séduire la reine, mais en tout cas, il y arrive. Ensuite, nos deux tourtereaux complotent à assassiner le mari gênant, ça coule de source. Et comme en ce temps là le régicide conduit au trône plutôt qu’en prison, le berger devient roi, mais l’histoire ne dit pas combien ils ont eu d’enfants.

C’est cette fable de Platon qu’à invoqué le nouveau ministre de la culture et de la censure de l’Internet pour défendre HADOPI 2. Vraisemblablement, il ne connait pas mieux l’informatique et Internet que son prédécésseur, mais ses envolées sont plus lyriques et accentuent encore l’absurdité de l’histoire, on ne peut que s’en réjouir. Et donc, selon lui, Platon, Beaumarchais et Maupassant soutiennent la riposte graduée, contre ces insignifiances que peuvent être le droit européen, la constitution française, les droits de l’Homme ou la réalité, tellement surfaite en milieu politique.

Quel est le rapport entre l’anneau de Gygès et la riposte graduée ? C’est assez flou, mais peu importe : l’intérêt et la force d’un argument d’autorité n’est pas d’être cohérent, mais de citer un nom prestigieux. D’après le ministre : « La moralité de cette fable de Platon, c’est que la plupart des hommes ne sont justes que parce qu’ils sont visibles.» Je suppose qu’il faut donc croire que les internautes sont invisibles et donc injustes ? Enfin, Platon, c’est vieux : s’il vivait aujourd’hui, il verrait bien que les hommes les plus injustes sont aussi souvent les plus visibles. D’ailleurs, le ministre sait sans doute parfaitement que les lois ne s’appliquent que rarement à ceux qui les font.

Personnellement, ma connaissance de l’œuvre de Platon commence et s’arrète au mythe de l’Atlantide. Néanmoins, je connais d’autres histoires au sujet d’un anneau d’invisibilité où les héros restent aussi honnêtes et droits que possible malgré les tentations de l’objet maléfique. Je suppose que cela veut dire que Tolkien est contre la riposte graduée.

Pour conclure cet article sans queue ni tête, je vais m’essayer à la fable, moi aussi.

C’est l’histoire d’un jeune dresseur d’oiseaux nommé Avès. Il apprend à quelques oiseaux exotiques à siffler de jolis airs pour le roi, son patron. A l’occasion, il flirte un peu avec la princesse. Mais il ne se fait pas d’illusions : dès que le roi lui aura trouvé un bon parti, il ne la reverra plus.

Un jour, dans un œuf fraichement éclo, il trouve une plume d’or. Elle est si belle, si brillante, qu’il décide de l’offrir à la princesse pour lui témoigner son affection. Et de ce jour, la princesse tombe éperduement amoureuse de lui. A vrai dire, elle n’est amoureuse que lorsqu’elle porte la plume dans ses cheveux, mais la plume est si belle qu’elle ne peut s’empêcher de la porter chaque jour, et jamais elle ne se rend compte de son pouvoir magique obsédant.

La semaine suivante, le roi lui présente un prétendant. Il est très riche, et le royaume aurait bien besoin de son aide financière, ruiné qu’il se trouve par les obsession royales ridicules comme cette voilière exotique. Mais la princesse ne veut rien entendre, et elle s’enfuis avec son oiselier. Avès est pour le moins dépassé : il n’avait jamais prévu d’aller contre la volonté de son roi et même s’il s’entend plutôt bien avec les gardes, il a peur de leurs flèches et de leurs lances pointues. Il essaie de raisonner la princesse et se demande ce qu’ils vont devenir.

Leur escapade ne dure pas longtemps. Le roi a bel et bien envoyé ses gardes à leur poursuite. Ils tuent Avès. De chagrin, la princesse se tue à son tour en se plantant la plume magique dans la gorge. Le roi en est effondré : s’il ne peut plus vendre sa fille, comment sauver le royaume ? Et, de fait, le royaume s’effondre. Le prétendant revient avec une armée pour le conquérir avec le soutient de la population affamée, à qui il offre les oiseaux de la volière royal à manger, puis il épouse une jeune servante de la princesse à qui il avait déjà commencé à faire du gringue lors de sa précédente visite. Son règne fut long et fastueux, comme le célèbrent les livres d’histoire qu’il fit imprimer.

Moralité  : si la musique ne te nourris pas, mange le musicien.

Lune d’émeraude

Il y a quarante ans, deux hommes, Neil Armstrong et Buzz Aldrin marchaient sur la Lune, pour la première fois. Le troisième, Michael Collins, avait préféré rester dans le module pour jouer à une pré-version de Pong sur l’ordinateur de bord. Votre téléphone portable est plus puissant que l’ordinateur en question.

Il faut bien avouer que cet exploit semble au moins autant tenir de la succession de coups de chances insensés que des compétences humaines et techniques de l’époque. Sans la pression de la guerre froide, personne n’aurait accepté de prendre ou de faire prendre autant de risques à ces trois astronautes et à leurs successeurs. En tout, douze hommes ont marché sur le sol lunaire, le dernier en 1972. Depuis, rien.

Quelques étapes de la conquéte spatiale, concernant notamment les êtres vivants que nous avont expédiés dans l’espace :

  • Le quatre octobre 1957, Spoutnik 1 est devenu notre premier satellite artificiel.
  • Un mois plus tard, le trois novembre, la chienne Laïka fut la première créature vivante expédiée dans l’espace, pendant environs sept heures, avant de mourrir de chaud.
  • Il faut attendre le 31 janvier 1961 pour voir un être vivant en revenir, en l’occurence un chimpanzé nommé Ham.
  • Du chimpanzé à l’homme, il n’y a que deux mois et des poussières : le 12 avril 1961, c’est Youri Gagarine qui passe près de deux heures dans l’espace. Ce fut une telle réussite qu’il n’y retourna jamais, de peur que sa mort n’y brise le symbole.
  • Le 18 mars 1965, Alekseï Leonov est le premier à sortir de son véhicule pour faire un tour dans l’espace.
  • Le 20 juillet 1969, Apollo 11 passait à la télé.
  • Le 14 décembre 1972, Gene Cernan devient (jusqu’à maintenant) le dernier homme à avoir marché sur la Lune.
  • Le 28 avril 2001, Dennis Tito devient le premier « touriste de l’espace» , pour 20 millions de dollars.
  • L’étape suivante sera certainement de marcher sur Mars.

Et pour conclure, un petit poème lunaire :

Le gardien de phare et les nuits de pleine lune.

Le gardien de phare s’est épris de la Lune.
Quand il la voit pleine, il chante sa flamme
Renouvelant ses vers en vantant ses charmes
Mais jusqu’à cette nuit de réponse : aucune.

Enfin ce soir Lune, claire, apparaît à lui.
Le voilà bouche bée devant sa tendre mie
Oyant son message les yeux exorbités
Lune lui déclare : « Arrête de me faire chier !» 

Moralité : Ce n’est pas la lune qui est poétique, c’est la poésie qui est lunatique.

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Liens :

Principe de non-existence

En ce moment, je manque singulièrement d’inspiration. C’est la chaleur, dirons-nous. Mais j’ai ici un texte manuscrit à taper qui traîne depuis je ne sais quand, donc, voila :

Principe de non-existence :

« Nul n’existe, sauf preuve du contraire »

Ce principe fut adopté à la fin du XXIème siècle par des politiciens visionnaires pour faire face aux problèmes de surpopulation menaçant la planète. En effet, le nombre de personnes pouvant prouver leur existence était bien inférieur au nombre de personnes physique. Ainsi, officiellement, le problème de surpopulation disparu.

Par la suite, le principe s’étendit. Si une personne existe légalement, alors elle ne saurait sortir du cadre de la loi. Ainsi, le moindre crime ou délit reléguait son auteur à un statut de non-existence, dont il ne pouvait ressortir qu’en démontrant formellement, d’une part, qu’il existait bel et bien, et d’autre part, qu’il n’avait rien à voir avec un précédent individu existant sorti de la loi et donc de l’existence ; ce qui décuplait la difficulté de la démonstration.

Mais quelques polylogiciens surent s’adapter à ce nouvel environnement absurde. Certains voulurent rester les seuls à bénéficier de ce luxe qu’était devenu l’existence ; d’autres prospérèrent en tenant commerce d’argumentaires clé en main auprès d’inexistants aspirant à l’existence.

Finalement, la masse des inexistants, mécontente du mépris qu’on lui accordait, décida qu’il pouvait être mutuel et que si les existants ne les reconnaissaient pas, il n’avait qu’à les ignorer. Ils établirent également le Principe d’existence :

« Chacun existe, sauf s’il le prouve. »

Et ainsi s’éleva un mur d’absurdité. D’un coté, les Xis se retrouvaient fort peu nombreux pour subvenir à leur besoins, que les Inex ignoraient malgré les protestations d’existence et l’accumulation de réclamations à la parfaite rhétorique. De l’autre, les Inex se démenaient avec les contradictions de leurs positions, alors que les meilleurs polylogiciens étaient restés « de l’autre coté» .

Entre les deux, coincés entre existence et non-existence, les démonstrateurs délictueux qui s’étaient trop acharnés à rejoindre l’existence pour le Principe d’existence, mais avaient fauté aux yeux de la loi existienne se trouvaient doublement inexistants.

Finalement, le synchrogicien Intramuros réalisa la fusion des principes d’existence et de non-existence par la formule refondatrice et réconciliatrice :

« La nécessité des preuves de l’existence ou de la non-existence d’un individu ne sont recevables que si elles proviennent de l’individu en question. Ainsi, existant, non-existant, sub-existant, méta-existant ou autre, c’est à chacun de se déterminer personnellement sur son degré de réalité. Quiconque dénie ce droit sera conséquemment, promptement et unilatéralement ignoré. »

Et tout fut pour le mieux.