Archives de juin 2009

Tube divers

Il me revient après la chanson d’hier que nous fêtions la semaine dernière les cinquante ans de la mort de Boris Vian. La concordance des deux sujets m’amène donc naturellement à publier ici la retouche du Déserteur que j’avais réalisé l’année dernière.

Le Démissionnaire

Monsieur le Président
Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps
Je viens de recevoir
Ordre de mon manager
D’heures supplémentaires
Tous les mercredis soir
Monsieur le Président
Je ne veux pas les faire
Je ne suis pas sur terre
Pour travailler tout l’temps
C’est pas pour vous fâcher
Il faut que je vous dise
Ma décision est prise
Je vais démissionner

Depuis que je travaille
J’ai vu souffrir mon père
J’ai vu partir mes frères
J’n'ai plus vu mes enfants
Ma mère a tant bossé
Elle est en pré-retraite
Et succombe sous les traites
Et perd toute sa santé
Quand j’étais travailleur
On m’a volé ma femme
On m’a volé mon âme
Et tout mon cher bonheur
Demain de bon matin
Je fermerai ma porte
Au nez des années mortes
J’irai sur les chemins

Je mendierai ma vie
Sur les routes de France
De Bretagne en Provence
Et je dirai aux gens:
Refusez le turbin
Refusez le labeur
Tout ça compte pour du beurre
Ne vous l’vez plus l’matin
S’il faut donner son temps
Et renoncer à vivre
Je ne peux pas vous suivre
Monsieur le Président
Si vous me condamnez
Pensez donc aux chômeurs
Et à toutes mes heures
Qu’ils peuvent se partager

Tube de l’été

Aujourd’hui, une chanson.

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Tout nu et tout fauché
On est pauvre, on a chaud
Quand revient l’été
Tout nu et tout fauché
Au soleil, dans la rue
Ou sur les pavés
Tout nu et tout fauché
Depuis la mer du Nord
Jusqu’aux Pyrénées
Tout nu et tout fauché
On prend enfin le temps
Le temps de rêver.

Tout nu, tout nu, on ne pense plus
Aux impôts, ni au boulot
Fauché, fauché, décontracté
Un vieux chapeau, dans l’métro
Tout nu, tout nu, comme des Jésus
On fait la manche tout les dimanches
fauché, fauché, pour cotiser
Ma retraite est très abstraite
Il faut qu’on mange, il faut qu’on mange
Moi quand j’y pense ça me démange !

[Refrain]

Tout nu, tout nu, on va craquer
Sisyphe en pédalo
Fauché, fauché, tous les jours sont
Des boulets à pousser
Tout nu, tout nu, on ne pense plus
Qu’au safari RSA
Fauché, fauché on va fouiller
Dans les poubelles, quel boulot !
Il faut qu’on mange, il faut qu’on mange
Moi quand j’y pense ça me dérange !

[Refrain]

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L’original (ou presque – si vous entendez Carlos ici un jour, inquiétez-vous de ma santé) :

Constitution et Internet

I X.

Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne seroit pas nécessaire pour s’assurer de sa personne, doit être sévèrement réprimée par la Loi.

X I.

La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi.

Invoquant les articles 9 et 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le Conseil constitutionnel a censuré hier la loi Création et Internet.

La présomption de culpabilité n’étant pas encore la règle en France, l’automatisation des sanctions jusqu’à ce que l’internaute prouve son innocence est abolie. Il faudra toujours passer par un juge et apporter une preuve de la culpabilité du pirate présumé.

De plus, l’accès à Internet est interprété par les sages comme essentiel à la liberté d’expression contemporaine, et il s’en suit qu’une décision de couper l’accès Internet d’un citoyen ne pourra être prise que si cette connexion sert exclusivement à des fins illégales, à l’exclusion de toute utilisation à des fins d’information ou d’expression ; autant dire qu’elle ne pourra jamais être prononcée.

L’essentiel de la loi ayant ainsi été dépecée, le Conseil constitutionnel donne quelques idées pour recycler la dépouille : l’autorité administrative créée par la loi peut encore distribuer aux sites internet qui la réclame un chatoyant label certifiant la légalité des téléchargement qui y sont disponibles. De plus, si elle ne peut plus sanctionner, elle peut toujours envoyer des avertissements ; sans doute quelque chose du genre « Attention ! Nous savons ce que vous avez fait ! C’est Mal !» , dans le but « de limiter le nombre d’infractions dont l’autorité judiciaire sera saisie»  (sic). Ainsi, l’usine à fabriquer des coupables se transforme en barrage contre l’engorgement des tribunaux.

On aurait pu s’attendre à ce que les défenseurs acharnés de la loi, les Christine Albanel, Frédéric Lefebvre et autres Franck Riester se mettent à fustiger ces infâmes pirates pédophiles de Danton et Robespierre dont il faudrait faire abstraction des textes subversifs d’ultra-gauche, mais c’est un autre mensonge qui a finalement été retenu : selon eux, l’essentiel de la loi a été préservé et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. L’essence de la loi se réduisant donc en l’occurrence à créer une administration dédié à l’envois massif d’e-mails (ou « spam» ) qui coûtera sans doute une fortune aux contribuables pour une efficacité… Hum… Limitée ?

Bilan du week-end

Car le week-end était chargé.

Samedi soir, j’ai plutôt raté ma lecture, mais les autres participants étaient vraiment bien. Voici le texte que j’ai lu tant bien que mal :

C’était un chasseur de rêve. Il prétendait qu’une déesse nommée Eluette lui avait donné la mission et le pouvoir de veiller sur le sommeil de sa ville. Bien sûr, je n’en croyais pas un mot.

Ce soir là, il était venu me chercher. Il disait avoir besoin de mes talents pour sa « mission» . Je n’étais pas très frais, alors je n’ai pas su me défendre, ni me souvenir des chemins empruntés. Quand mon esprit s’est éclairci, nous étions dans une ruelle déserte et sombre que seule une lueur mauve d’origine douteuse éclairait.
Le chasseur me dit que nous étions dans un cauchemar. J’acceptais de le croire, au moins pour l’instant, car j’étais nu comme un vers, ce qui m’arrive rarement ces temps-ci en dehors de mes cauchemars et de certains rêves hélas plus rares. Après avoir sorti d’une poubelle des vêtements violets, le chasseur me pressa de m’habiller puis me tira hors de la ruelle, à la lueur du jour. Je constatais alors, primo, que mes vêtements n’étaient violets que sous la lumière glauque de la ruelle ; et deuxio, que le soleil était très haut dans le ciel malgré les vingt-trois heures bien entamées que me donnait ma montre. Je voulais m’arrêter pour méditer sur la défectuosité de l’horlogerie moderne, mais mon guide m’entraînait vers un but bien précis.

Après un trajet chaotique et quelques rencontres hasardeuses, nous entrâmes dans un petit jardin entouré de grattes-ciel. Malgré la taille des immeubles qui l’entouraient, la maison au bout de l’allée semblait plus imposante et importante que tout ce que j’avais pu voir dans cet étrange randonnée urbaine. Au dessus de la porte, accompagné du même symbole que celui qui ornait le portail du jardin, l’enseigne proclamait : « Chance et Bonne Fortune, Vœux en Vrac et Souhaits d’occasion ». Je suppose que la crise peut aussi frapper chez les fées.
Une espèce de domestique androgyne et muet m’offrit un chocolat chaud pendant que le chasseur faisait affaire avec la maîtresse de maison. La discussion fut houleuse, mais les deux paraissaient enchantés en se séparant.

Nouveau trajet tortueux, nouvelles rencontres absurdes, nous nous retrouvons devant une fontaine, au milieu d’un parc. La fontaine est à sec, mais le chasseur m’invite à y jeter le « vœu»  qu’il a négocié chez la fée. C’est une espèce de balle en mousse piquée de plumes et de feuilles, peut-être un nid d’oiseau roulé en boule. Je la jette dans la fontaine en me demandant ce que ce cauchemar peut avoir d’effrayant.
Un bruit d’éclaboussure résonne. La fontaine est toujours vide et le vœu s’est évaporé. Je repense aux lieux traversés : une impasse couverte d’ordures, des rues peuplées de gens désespérés et terrifiés, une vielle maison au charme mal entretenu dans un jardin en friche entouré d’immeubles grisâtres anonymes, une fontaine brisée dans un parc à l’abandon. Tout ça est si… réel…

L’angoisse m’étreint.

Avec en bonus, les haïkus issus de ce texte :

Un chasseur de sommeil
Fouille une poubelle de cauchemars
Angoisse en plumes

Vœux en Vrac,
Chocolat enchanté
Fontaine d’ordures

Une fée frappée
Dans une ruelle glauque
S’angoisse pour ses plumes

Lueur glauque
Cauchemar mauve
Chocolat défectueux

L’angoisse résonne
Tout est si…
Nu

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Ensuite, le festival BD : j’ai passé l’essentiel des deux journées au stand du fanzine On dit de Lyon. J’ai reçu quinze dédicaces sur les vingt-neuf auteurs du bouquin. Pour le reste, je vous renvois aux comptes-rendus des intéressés (Joranne a même une photo de moi) :

  • Joranne bagoule, qui n’a rien écrit dans le fanzine mais qui m’a quand même fait deux beaux dessins.
  • Jibé, l’organisateur du machin.
  • Dragib, qui parle de moi (un peu).
  • Yrgane, qui parle de moi (beaucoup).

Rencontrer tous ces auteurs enthousiastes et acharnés était plutôt stimulant, et dès que je serais un peu remis de la fatigue du week-end, j’essaierai d’écrire.

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Dernier sujet, les élections européennes : j’en ai trop parlé ici pour ne pas conclure.

Je ne sais pas vraiment comment interpréter le résultat. Les UMP se prennent pour les grands vainqueurs de l’élection, alors qu’ils gagnent vingt-neuf sièges contre au moins quarante-deux élus qui ont fait campagne directement contre Sarkozy ou contre sa politique, et avec seulement 40% des voix qui s’étaient portées sur Sarko au premier tour de 2007. Mais on sait qu’ils sont contraint par le règlement intérieur du parti de mentir systématiquement. A moins qu’ils ne prenne le taux d’abstention délirant de 60% pour une victoire du parti, ce qui se comprendrait vu leur campagne. Là où cela devient inquiétant, c’est qu’ils semblent prendre ce faux plébiscite comme prétexte pour une nouvelle rafale d’anti-réformes contre la France. Pauvres de nous.

D’autre part, Brice Hortefeux, élu par erreur (dans tous les sens du terme…), renonce à son poste de député européen pour rester ministre des choux farcis. Nouvelle démonstration de la valeur accordée aux institutions européennes par le parti au pouvoir. Je me demande ce qu’aurait fait Olivier Besancenot, lui aussi troisième de liste pour de rire…

Enfin, saluons la preformance des écologistes européens, seul groupe à progresser en nombre de sièges avec le non-groupe des non-affiliés qui profitent de défections au sein du groupe PPE, la droite démocrate chrétienne. Une lueur d’espoir ?

A nous de gerber…

… car la discussion fut houleuse au point de nous donner le mal de mer hier soir.

Si vous ne l’avez pas vu, les sites d’informations en parlait déjà pendant, voire avant la diffusion ; par exemple ici ou .

Nous avons assisté à ce qui sera sans doute considéré comme une œuvre surréaliste majeure de ce début de vingt-et-unième siècle par les générations futures. Une émission de débat dont l’objectif affiché était d’inciter ses spectateurs à participer à l’élection européenne de dimanche. Mais le concept montrait dès le départ des failles majeures. Alors que les listes de candidats et de partis se présentant à cette élection sont innombrables, seuls huit participants étaient là. Pis ! La moitié d’entre eux ne sont pas du tout candidats à l’élection de dimanche. Enfin, l’agencement du plateau était pour le moins absurde : au lieu de réunir ce beau monde autour d’une table à débat, on les avait soigneusement éparpillé à de petites tables suffisamment éloignées pour les obliger à crier pour se faire entendre lorsque l’œil et l’oreille de la caméra se portaient sur une autre partie du décor. Et ils ont bel et bien crié…

Cette émission aura au moins eu le mérite de ranimer sur internet et la blogosphère un peu de l’animation et de la vigueur des débats sur l’Europe auxquels nous avions assisté lors du référendum sur le traité constitutionnel, et qui semblaient s’être dissipées depuis. On se plaignait du calme plat de la campagne, mais cet écueil à trois jours du scrutin nous aura un peu réveillés ; quoi que ce soit peut-être pour nous convaincre de ne pas y participer.

L’émission fut donc dominée par cette ambiance détestable et ces cris fusant de toutes part, chacun cherchant à placer ses mots plus haut que les autres. L’animatrice du débat la première. Elle fut particulièrement détestable et agressive avec certains, et obséquieuse avec d’autres. On aurait dit qu’elle cherchait véritablement à faire monter la sauce. Mais n’attribuons pas à la malice ce qui peut s’expliquer par la bêtise : elle semblait sincèrement surprise du résultat de son attitude.

Au milieu des hurlements de tronçonneuse, le représentant du gouvernement a su sans frémir continuer à manier sa langue de bois. Chaque participant l’a sans doute traité de menteur au moins une fois. Il serait intéressant de mesurer à quel point ses mensonges étaient nombreux et énormes, mais hélas la presse se focalisera sur les noms d’oiseaux plutôt que sur le font du débat.

Dans son coin, le représentant anti-capitaliste était le seul à ne piper mot que lorsqu’il y était invité. Avait-il compris qu’il n’y avait rien à tirer de ce débat ? Se contentait-il du « service minimum»  avec un discours mille fois répété ? Il est troisième sur sa liste et n’a probablement aucune chance d’être élu, peut-être la politique française lui est-elle une préoccupation bien plus importante que la politique européenne. Ce serait tout de même étrange pour un internationaliste.

Mais la forme était peut-être là pour combler le vide abyssal du font ; les sujet imposés étant aussi insignifiants que le commerce du vin rosé, l’adhésion de la Turquie (qui ne sera pas mise aux voix au parlement avant au moins dix ans, et donc ne concerne en rien la législature qui s’apprête à être élue) ou les vieilles rancœurs du débat sur le traité constitutionnel (il serait temps de passer à autre chose, non ?)…

Au milieu de tout cela, perle d’absurdité, un reportage nous vantait l’originalité et le dynamisme des clips produits pour inciter le public à aller voter. Afin d’accentuer le contraste (peut-être ?), le journaliste était choisi pour sa voix et ses intonations monocordes et soporifiques.

Pour conclure, théorisons un peu le complot : il semble que l’abstention profite au cercle de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom. Lui et ses mangemorts auraient-il planifié cette émission de façon à écœurer les électeurs et les inciter à aller à la pêche dimanche ? Il semble que l’animatrice ait réellement été surprise du résultat, mais elle a pu être choisie en connaissance de cause pour son incompétence et son agressivité, sachant que le débat tournerait mal grâce à elle…

Le joli mois de juin

Au programme ce mois-ci :

  • Le 6 : lecture de fin de saison du Temps des Mots, à partir de 20h, à la MJC du vieux Lyon – 5 place Saint-Jean – 69005 Lyon. Au programme : lectures par les participants de l’atelier (dont moi) de textes réalisés pendant l’année, puis lectures-performances par Edith Azam et Ritta Baddoura.
  • Le 17 et 19, à 21h, à nouveau à la MJC du vieux Lyon : Marivaudages au salon ; un peu de théâtre avec moi sur scène à nouveau.