La pomme et les méduses

Au petit matin, le poisson trouva une pomme en train de sombrer à travers son courant. Comme les reflets dorés sur sa peau pulpeuse lui plaisait, il l’attrapa et parti l’offrir à sa bien-aimée, une sirène des environs.

La sirène, qui ne manquait pas de prétendants, le remercia d’un baiser et croqua dans la pomme à belles dents. Mal lui en pris, car le fruit était empoisonné. Elle tomba dans le coma, et la pomme repris sa chute vers les bas-fonds. Pris de panique, le poisson se mis à tourner frénétiquement en rond, et le fruit criminel avait disparu avant qu’il ne reprenne ses esprits. Il rendit visite à la vieille murène guérisseuse, qui lui enseigna que le remède traditionnel à ce type d’affection est le baiser d’amour d’un prince charmant. Mais convenant qu’un tel remède ne serait pas facile à trouver céans, elle lui fit une ordonnance pour une potion d’algues miraculeuse qui soigne tout du mal-aux-cheveux à l’écaille incarnée au bout de la queue, avec très très peu d’effets secondaires.

Hélas, victime de la crise, l’apothicaire local avait plié bagage pour gagner des courants plus chauds.

Pendant ce temps, le prince des tritons, qui comptait au nombre des prétendants de la sirène, avait mis en pratique ses cours de lever-de-malédiction-par-le-baiser. La sirène frétillait de fureur contre le malheureux poisson, qu’elle n’eut guère de mal à retrouver et qu’elle dégusta en tête à tête avec son sauveur dans un petit diner romantique, avec un vin d’algue millésimé.

Le lendemain, aussi lunatique que les sirènes peuvent l’être, elle largua son triton pour le pirate Barbe-à-Papa qui lui offrait des méduses en sucre. Elle s’aperçut trop tard qu’il ne le faisait que dans l’idée de gagner sa vie en exposant la sienne dans les foires.

Et ainsi, elle ne vécu pas vieille, mais il gagna beaucoup d’argent.

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